Du capteur au lecteur
Février 2006
Auteur : adesir
Pour l'amateur de vidéo numérique, le stockage est une préoccupation qui apparaît très vite, dès le début du premier tournage. En effet, dès que la lumière est convertie en signal électrique par le capteur, il faut stocker ses échantillons pour garder les images. Le reste n'est que traitement du signal, stockage et transfert.
A l'époque analogique, il fallait recopier des bandes. Si le passage au numérique a énormément facilité les manipulations de stockage et de transfert vidéos, ce monde complexe de technologie envahi de jargon technique n'est pas pour autant plus simple pour le néophyte...
Nous allons essayer de comprendre ensemble cet univers de codage, de stockage et de transfert.
Les images sont codées dans des flux ou des fichiers sous différents formats à l'aide d'encodeurs. Des noms ? DV, MPEG, HDV, DVCPRO, DVCPRO HD, XDCAM.
Unités
Les formats sont très importants, car ils définissent le débit des transferts :
* Le MPEG-2 utilisé sur les DVD est limité à 9,8 Mbit/s
** Le H.264 (ou AVC) est partie intégrante du standard MPEG-4 (Part 10). Il permet de diffuser de la HD à moins de 10 Mbits/s
Support/Format | DV | DVCam | DVCPRO | MPEG-IMX | MPEG-4 SD | MPEG-2 SD | MPEG-2 HD | MPEG-4 HD | DVCPRO HD | HD... |
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8 mm | D8 | |||||||||
MicroMV | MV | |||||||||
(mini)DV | (mini)DV | DVCam | HDV | |||||||
DVCPRO | DVCPRO | |||||||||
Betacam | HDCam | |||||||||
Carte CF | Everio MC | |||||||||
Carte SD (ou P2) | Xacti | AVCHD | HVX200 | |||||||
Disque dur | FireStor | FireStor | Everio MG | FireStor | AVCHD | FireStor | ||||
DVD (8 cm) | DVDCam | AVCHD | ||||||||
Blu-Ray DVD | XDCam | XDCam | XDCam HD |
Les bandes sont étroitement liées à leurs codecs. Par exemple, une bande miniDV standard contient une heure de vidéo en DV, ce qui représente environ 12 Go. Les bandes miniDV plus ou moins longues contiennent toujours 3,5 Mo/s (25 Mbit/s de vidéo et 1,5 Mbits/s d'audio), c'est le codec DV qui veut ça.
Seule la vitesse de défilement peut faire varier cette capacité :
Un DVD inscriptible ou réinscriptibles simple peut stocker jusqu'à 4,4 Go de données. Selon le codage utilisé, cela peut représenter entre quelques minutes et quelques heures de vidéo. Les DVD de 8 cm, utilisés dans les caméscopes grand public sont plus limités : 2,8 Go maxi (en double face). Les DVD-RAM simples vont jusqu'à 5 Go.
Heureusement, les disques double couches apportent plus de capacité (5 Go en double face), bienvenue en vidéo. Mais ce sont les disques HD-DVD ou Blu-ray Disc qui devraient percer dans ce domaine, quoique la guerre des standard va retarder cette nécessaire amélioration.
Ce sont les rois du moment. Du fait d'une densité toujours en progrès époustouflant, la taille standard glisse de 3,5" à 2,5" dans les ordinateurs (comme dans les portables).
Les caméscopes grand public à disque dur utilisent souvent les disques 1,8", popularisés par le iPod. La capacité de ces petits disques atteint actuellement 100 Go, alors que ceux en 2,5" offrent le double et ceux en 3,5 atteignent les 750 Go.
Par rapport aux bandes et aux disques optiques, ils offrent donc une densité de stockage bien supérieure, ce qui leur permet de se loger partout (un disque dur de 1,8" de 100 Go est plus petit qu'une bande miniDV de 12 Go). Mais le coût à capacité égale est supérieur.
Agrégation de disques
Nous verrons que les interfaces sont capables de véhiculer d'énormes quantité de données. Mais les disques eux-mêmes sont bien incapables d'assurer un tel débit. Comment faire pour l'améliorer ?
L'idée est assez simple : on met plusieurs disques en parallèle pour multiplier les performances. Mais la réalisation est nettement plus compliquée.
C'est ici que le RAID intervient. Non, pas l'organisme de la police française, mais le Redundant Array of Inexpensive Disks (tableau redondant de disques économiques). Sans rentrer dans les détails des différents niveaux de RAID, nous allons nous focaliser sur le plus utilisé en vidéo : le niveau 0, aussi appelé striping (bandage).
Au menu : multiplication de la vitesse, de la capacité et de l'insécurité. Les disques sont "découpés" en bandelettes et chaque disque prend en charge une partie du transfert. Ainsi, un fichier sera écrit et lu sur l'ensemble des disques quasi simultanément. Le débit est fonction du nombre de disques, avec un phénomène de saturation assez rapide. Le principal inconvénient est qu'un problème sur un des disque fait perdre l'ensemble des données. Pour pallier à cet inconvénient, le niveau 5 est couramment utilisé, notamment sur les serveurs. Mais il est bien plus coûteux.
Le futur du stockage, tant les technologies implémentées dans ces petits réservoirs progressent. Souvent sans partie mobile et moins gourmandes en énergie, elles proposent le meilleur.
Sauf que le coût des puces ne permet pas encore d'obtenir des capacités à la hauteur des besoins. Les cartes P2* sont un parfait exemple de cet obstacle provisoire. Les capacité varient de plusieurs Mo à plusieurs Go.
Pour en savoir plus sur les différentes cartes mémoire, on pourra consulter l'article sur la grande pagaille.
Un peu comme la vitesse d'une voiture peut s'entendre autant par sa vitesse de pointe que ses reprises, la vitesse d'un système de stockage inclut aussi bien le débit (la quantité d'information délivrée par seconde) que le temps d'accès (le temps mis pour atteindre une information).
Comme nous l'avons vu dans les formats, il faut un débit minimum pour que les transferts se déroulent correctement (acquisition, lecture, copie). L'acquisition et la diffusion se font sous forme de flux (données écrites ou lues en continu), le temps d'accès n'a donc pas d'importance, mais le débit est critique : toute baisse se traduit pas un défaut visible.
Pendant le montage ou la consultation non linéaire, le temps d'accès prend de l'importance : il faut pouvoir accéder quasi instantanément à tout endroit de la vidéo.
Pour les bandes, le débit est fixe et dépend de la densité magnétique et de la vitesse de défilement. Ces débits peuvent être assez importants mais progressent peu. Par exemple, une bande miniDV standard transfère 3,5 Mo/s, pas plus, pas moins. Le plus gros problème est le temps d'accès, qui peut être de plusieurs secondes, voir minutes.
Les disques optiques ont l'avantage de pouvoir facilement faire varier leur vitesse de rotation (donc le débit) et de permettre l'accès direct. C'est encore plus vrai pour le DVD-RAM que pour les autres type de disque. Les temps d'accès restent moyens, ainsi que les débits (jusqu'à une vingtaine de Mo/s).
Les disques magnétiques sont encore les champions du moment pour le débit et les temps d'accès. Ils transfèrent sans souci plusieurs Mo par seconde (d'un petite dizaine à une grosse centaine selon les disques) et accèdent à n'importe quelle partie d'une vidéo en quelques millisecondes. Ce sont ces performances qui leur permettent de travailler sur plusieurs flux vidéos simultanément.
Les cartes mémoire arrivent à suivre avec difficulté sur le débit (du fait de leur petite capacité, les meilleures plafonnent à 20 Mo/s), mais sont favorisées sur le temps d'accès, quasi immédiat.
Advanced Technology Attachment, appelé aussi IDE (Integrated Device Electronic)
Nappe
IDE
Historiquement, c'est l'interface disque des PC qui a bien évoluée au fil des années, passant des quelques Mo/s à un centaine. Interface particulièrement économique, elle est limitée (deux disques à régler par canal, habituellement deux canaux par contrôleur) et assez peu performante (débit maximum de 133 Mo/s pour le ATA-7). Cette interface reste d'actualité pour les lecteurs et graveurs optiques (CD, DVD).
Serial ATA
Cordon
SATA
Le successeur de l'interface ATA, les limitations les plus criantes (le nombre de disques devient important, le débit maximum augmente, le branchement à chaud est supporté, la gestion des files d'attente des accès est prévue) sont levées, la version 2 arrive (débit crête de 300 Mo/s, Native Command Queuing enfin implémentée). Cette interface est donc celle du présent pour les disques durs internes dans les ordinateurs.
Small Computer System Interface
Nappe
UltraSCSI 320
La première interface disque pour PC, elle a du céder sa suprématie car trop coûteuse pour les ordinateurs économiques. Toujours supérieure à l'ATA, elle est passée de 5 à 320 Mo/s, gardant sa place dans les serveurs et les disques rapides. Le SCSI n'est pas qu'une connexion, c'est aussi un protocole d'échange complet qui assure la performance.
Universal Serial Bus
Le successeur des antiques ports série, ADB et parallèles des PC, cette interface est devenue réelleement universelle, depuis son introduction sur les iMac G3. Sa version 2 et son débit théorique de 480 Mbits/s (60 Mo/s théoriques) permettent la connexion des clefs USB et des disques externes économiques. Cette interface à l'inconvénient, comme l'ATA, de consommer des ressources de l'ordinateur hôte, ce qui limite de fait son débit réel. Pour les disques externes couramment utilisés en vidéo grand public, il est donc préférable d'utiliser une connexion FireWire.
AppeléeIEEE1394 à
ses débuts,
iLink
par Sony (uniquement en 4 points),
l'interface FireWire s'est imposé grâce aux
caméscopes miniDV et à Apple. Capable de
remplacer les
disques SCSI externes, elle a commencé sa
carrière avec
un débit suffisant (400 Mbit/s, soit 50 Mo/s
théoriques)
pour s'imposer dans le stockage vidéo d'entrée de
gamme.
Son évolution actuelle à 800 Mbit/s (100 Mo/s
théoriques) lui permet de supporter des disques rapides et
des agrégats.
Les câbles peuvent atteindre plusieurs
mètres sans
souci, reliant jusqu'à une centaine de
périphériques (ordinateurs, disque,
caméscopes,
boitiers d'acquisition, scanners, imprimantes). C'est la bonne solution
actuellement, de
nombreux ordinateurs étant équipés de
cette
interface.
C'est la technologie SATA en externe. Elle profite des atouts de sa cousine interne comme le branchement à chaud pour se faire une bonne place. Elle remplacera probablement les connexions USB et FireWire pour les disques externes. A 3 Gbits/s (300 Mo/s théoriques), la version 2 est capable de supporter la haute définition, si les disques suivent (voir Agrégation de disques).
Le SCSI a dès le début existé en version externe, bien que la longueur des câbles soit très limitée. Identique à la version interne à l'exception des connecteurs, cette connexion est toujours la référence pour les lecteurs de sauvegarde et les baies de disques externes lorsque des débits élevés sont nécessaires (vidéo non compressée). Du fait de contraintes assez pénibles, cette technologie tend à être remplacée par le eSATA vers le bas et par le Fibre Channel vers le haut.
Technologie destinée au stockage en réseau (SAN), la connexion Fiber Channel (FC) est très adaptée à la vidéo non compressée, qui nécessite des débits très importants comme nous l'avons vu plus haut. C'est un domaine de spécialistes (grosse baie de disques obligatoire pour en profiter) et j'en parle juste pour citer le débit : 4 Gbit/s (500 Mo/s théoriques).
Le débit des connexions sans fil est actuellement un peu faible pour transférer de la vidéo sans problème, mais les nouvelles technologies comme le 802.11n* et le WUSB** devraient enfin permettre de couper le cordon.
* l'évolution du WiFi actuel
** Wireless USB : l'USB sans fil
Le caméscope ou l'outil captant les images stocke celles-ci avec un format sur un support. En grand public et amateur, la vidéo numérique a explosée avec l'avènement du DV (format DV sur support miniDV) et elle va maintenant dans plusieurs directions. Toutes ne sont pas bonnes, car on demande au stockage de captation de perdre le moins possible d'information tout en assurant compacité, économie d'énergie et performance. Et si ce stockage peut aussi servir d'archive (comme la bande DV), c'est encore mieux.
Le maître du moment est le miniDV dans le grand public, mais les prétendants plus modernes sont nombreux (MPEG-2/DVD, MPEG-2/DD, MPEG-4/SD, HDV/miniDV, AVCHD/DD, DVD ou SD, DVCPRO HD/P2, etc) et ont chacun leur défauts. En particulier, on notera que des solutions de diffusion (MPEG-2 ou 4, disques optiques) tentent de faire leur place en captation...
Quand les images sont dans l'ordinateur, il faut les manipuler . Ce stockage doit être plus rapide, plus volumineux, mais moins économe. Le disque dur est le seul support sur ce domaine, ses qualités étant encore inégalées. Les formats à préférer sont ceux qui compressent image par image (compression intra-image comme le DV, le DVCPRO HD) plutôt que ceux qui déduisent les images les unes des autres (compression inter-image comme les MPEG,dont le AVCHD) car ils facilitent la coupe précise et l'application d'effets au montage.
Pendant le travail, il faut bien sauvegarder de temps en temps, une erreur ou une panne étant vite arrivée. Les bandes étaient à la mode du fait de leur grande capacité et de leur faible prix, mais les disques externes ont pris le relais, grâce à leur excellent compromis prix/capacité/vitesse. Ils permettent de raccourcir et d'automatiquer facilement les sauvegardes et offrent surtout une restauration des données bien plus agréable en cas de problème.
Ici, le disque dur est moins à son aise. Trop coûteux et peu pérenne pour prétendre assurer l'archivage, il laisse la place aux bandes magnétiques et aux disques optiques. Ces derniers, lorsqu'ils sont choisis pour leur qualité et leur durabilité (ce qui implique un prix plus élevé) sont qualifiés pour un archivage de longue durée (plusieurs dizaines d'années dans de bonnes conditions). Mais leur capacité est trop limitée pour des vidéos longues (on ne pourra mettre que 20 minutes de vidéo DV sur un DVD simple). Seuls les DVD HD (HD-DVD ou Blu-ray Disc) auront la capacité nécessaire (plusieurs heures de vidéos sur chaque disque).
Pour les montages en format DV, c'est la bande DV qui garde son attrait. Elle a fait ses preuves de support d'archivage si les conditions de stockage des bandes sont correctes*.
*Les bandes DV se stockent debout, dans une boite métallique à température modérée et asséchée par du SilicaGel, avec un rembobinage éventuel tous les ans.
En analogique, la cassette VHS était reine. Le disque optique a pris le dessus en numérique. Ce fut le CD informatique et maintenant le DVD vidéo, les DVD haute définition pointant leur capacité supérieure. La pérennité et le faible coût du média sont essentielles pour ce type de stockage.
En diffusion, on peut se permettre des formats très asymétriques (comme les codages MPEG-2 et MPEG-4) : longues à encoder, les vidéos sont facilement décodables pour la lecture et prennent peu de place sur le support.
Mais c'est la multiplication des lecteurs qui décide du stockage de diffusion : les lecteurs de CD, puis de DVD ont fait le succès de la diffusion sur disque. La dématérialisation et la diffusion par internet auront peut-être le dernier mot dans ce domaine, si les prétendants à la succession du DVD peinent à se mettre d'accord...
En grand public, les stockages éprouvés sont le miniDV, le disque dur et le DVD. Pour aller plus loin, les ingénieurs tentent de remplacer chaque maillon de la chaîne. Les intérêts des uns et des autres n'étant pas forcément compatibles, les solutions de stockage vidéo suivent des pistes aventureuses qui ne font pas l'unanimité.
L'avenir est pourtant tout tracé : haute définition, disque dur puis carte mémoire, sans fil, divergence des formats selon l'usage. Mais "le diable est dans les détails" !